Le SIGERLy mobilisé face à la précarité énergétique
De gauche à droite : Sylvain Godinot (Adjoint délégué à la transition énergétique), Sandrine Runel (Adjointe déléguée à la solidarité et à l’inclusion), Eric Perez (Président du SIGERLy), Blandine Collin, (Lyon Métropole Habitat), Stéphane Cayrol (animateur).
Mercredi 10 novembre dernier à l’occasion de la 1ère édition de la « Journée contre la précarité énergétique« , le SIGERLy a organisé une table ronde sur le sujet en partenariat avec la Ville de Lyon et la Métropole de Lyon. En duplex du Musée d’Art Contemporain de Lyon, cet événement a réuni autour d’une même table les différentes entités (acteurs publics locaux, associations, EDF, GRDF, Enedis…), afin de confronter leurs solutions de prise en charge et de réfléchir à comment améliorer le processus d’intervention, d’accompagnement et de détection des publics en situation de précarité.
En début de séance, Stéphane Cayrol, l’animateur de la table ronde a rappelé la définition d’une personne en « précarité énergétique » à savoir : personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat » (Loi du 12 juillet 2010).
Eric Perez, Président du SIGERLy a par la suite introduit la table ronde en rappelant que : « 5,6 millions de foyers sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique… C’est pourquoi, le SIGERLy a tenu aux cotés de la Métropole de Lyon, de la ville de Lyon & d’autres partenaires présenter les différentes actions & prises en charge existantes sur notre territoire pour combattre ce fléau. Nous nous devons de les accompagner avec des solutions concrètes. »
Il a ensuite rappelé les composantes de la précarité énergétique :
- un prix de l’énergie en constante augmentation ;
- des logements très mal isolés ;
- des revenus faibles ;
- des ménages ne faisant pas appel aux dispositifs dont ils pourraient bénéficier pour améliorer leur situation, démarche jugée stigmatisante ou compliquée à réaliser.
La table ronde s’est déroulée en 3 tableaux
Avant de démarrer le premier tableau, Stéphane Cayrol a présenté la cartographie des acteurs qui interviennent lors de situation autour de la précarité énergétique.
Le schéma est divisé en 3 parties : -Les conséquences de la mauvaise isolation du bâti et des équipements, les usages du logement et des équipements et pour finir les impayés et dettes d’énergie. Il se lit de l’intérieur vers l’extérieur du cercle.
Alerte & repérage des foyers en situation de précarité
Dans un premier temps, Olivier Dupont, Directeur développement Territorial EDF, Grégoire Boehm (Directeur Territorial GRDF Lyon Métropole), et Elise Cabrol (Directrice Territoriale Enedis Lyon Métropole) ont présenté leurs approches pour identifier les foyers et lutter contre la précarité énergétique.
EDF a mis en avant son approche locale & territoriale, avec des services en lien avec des assistances sociales. Le point de contact lors de la remontée de difficultés peut s’effectuer de deux façons : l’identification par des assistants sociaux ou différentes associations ou par contact téléphonique avec des salariés d’EDF ou via un centre d’appel.
Olivier Dupont a rappelé : « La précarité évolue, de nouvelles personnes sont touchées, les personnes âgées, les étudiants… Notre volonté est d’éviter de faire des coupures et de trouver des solutions même si elles doivent être uniques pour chacun des contacts. »
Concernant les concessionnaires GRDF & ENEDIS, deux moyens permettent d’identifier des foyers en situation de précarité énergétique :
- lors d’une intervention d’un technicien (constat de sous-consommation ou de logements à rénover…) ;
- lors d’une demande de coupure par le fournisseur.
GRDF met en place des actions proactives avec d’autres structures, notamment SOLHIA, afin de par exemple financer les besoins de rénovation pour les utilisateurs de gaz. Quant à ENEDIS, des médiations sont mises en place en partenariat avec les Pimms (point d’information médiation multiservices), afin d’aider les personnes en situation de précarité énergétique à trouver des solutions et d’éviter les coupures.
60% des demandes de coupures pour impayés sont évitées grâce à l’action des Pimms.
Prise en charge & accompagnement -> Quels dispositifs ?
Pour la ville de Lyon, Sylvain Godinot (Adjoint délégué à la transition énergétique) – a introduit ce nouveau tableau : » La précarité est un sujet qui nous tient très à cœur. Face à la hausse des prix de l’énergie, il y a non seulement des enjeux d’habitation avec l’adaptation des logements aux changements climatiques mais aussi de mobilité (droit de se déplacer avec l’augmentation des prix du carburant). Il est vraiment temps de changer de vitesse sur le sujet « .
Il a par la suite identifier la nécessité d’avancer sur deux besoins :
- avoir un diagnostic partagé de la situation de la précarité énergétique sur le territoire de la Métropole ;
- établir un lieu permanent de coordination, une instance permettant d’échanger entre tous les partenaires et de définir des priorités.
Sandrine Runel (Adjointe déléguée à la solidarité et à l’inclusion) a poursuivi en rappelant : « La ville de Lyon a des ambitions fortes en la matière. Aujourd’hui 250 ménages sont suivis, cependant nous avons une vraie difficulté à toucher l’ensemble des foyers qui pourraient être accompagnés car nous n’avons pas les moyens techniques de les identifier. »
Une approche pour accompagner les ménages pour améliorer les conditions de vie est mise en place notamment par le biais d’aides publiques et privées. Le Centre Communal D’Action Sociale (CCAS) intervient en dernier filet de sécurité, de manière curative sur des demandes de factures impayées et pour permettre aux ménages d’éviter les coupures d’énergie. La volonté du CCAS est de permettre aux ménages de se maintenir dans le logement mais pas de continuer à payer des factures d’énergie dans des logements mal isolés et qui sont dangereux pour la santé.
Karine Zimerli-Bocaccio, (Chargée de missions, accès au logement Métropole de Lyon) a précisé que la Métropole de Lyon est particulièrement concernée par la précarité et intervient de manière globale. Chaque année 1,1 M euros sont votés pour financer un Fonds de Solidarité Logement (FSL). Il permet d’aider les ménages en difficulté, à payer le loyer, éviter les coupures et prévenir des impayés. Aujourd’hui 2 200 ménages sont concernés et seulement 70% du FSL est utilisé.
Avec la crise, un nouveau public est touché par cette précarité. Elle souligne : « Les enjeux dans les années à venir c’est revoir et revisiter les critères et de prendre en compte des plafonds plus élevés pour les ménages qui se retrouvent en difficulté alors que ce n’était pas le cas autre fois. »
Blandine Collin, (Lyon Métropole Habitat) a partagé les actions réalisées par Lyon Métropole Habitat, outil de la Métropole pour le logement social. Ancré dans cette problématique leur mission est de créer du logement social et de réhabiliter les logements qui ne sont pas satisfaisants d’un point de vue énergétique. A cette fin plusieurs actions sont mises en place :
- la réhabilitation des logements de catégories F et G d’ici 2024 et celle des logements de catégorie E d’ici 2026 ;
- l’utilisation d’outils pour repérer les chauffages urbains (afin de pouvoir connecter les logements dessus) mais aussi l’utilisation de systèmes de pilotage de l’énergie pour être au plus près des consommations des résidences (observer les dysfonctionnement pour mettre en place des solutions) ;
- la mise en place d’un système en conformité avec la Norme 50001 (relative à la mise en place d’un système de management de l’énergie) – pour mettre en évidence certains indicateurs.
« Nous travaillons de façon très forte avec nos habitants, nous avons la chance de pouvoir identifier et réagir très vite. Le facteur humain est très important pour nous. »
Eric Perez a conclu ce deuxième tableau en remerciant les intervenants, il a également indiqué : « Je souscris aux inquiétudes de M. Godinot sur nos besoins. Il y a une nécessité de pilotage et de coordination des acteurs, car nous sommes beaucoup à intervenir sur ce sujet. »
Agir sur le terrain -> quelles solutions ?
Parole à Delphine Agier (SOLIHA), Association solidaire pour l’habitat à but non lucratif. Elle établit une approche globale et neutre pour aider à l’amélioration de l’habitat, aider les personnes à accéder à un logement et ou se maintenir dans un logement qui soit satisfaisant.
Elle précise : » La thématique de l’énergie a toujours été présente pour SOLIHA, nous aidons les ménages modestes à accéder aux aides de l’Etat (comme par exemple : éco-rénov’, ma prime rénov) ou encore via l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat). Nous les accompagnons sur l’aspect technique, financier, social et numérique. Pour ceci, nous avons besoin de définir un projet avec les personnes, de prendre le temps de regarder toutes les aides et d’identifier lesquelles sont les plus adaptées pour le ménage ».
Par la suite, Laure Priat (Responsable Offre Globale de Service de la CAF du Rhône) est intervenue. La CAF accompagne les familles dans leur cadre de vie et leur logement – Plusieurs canaux permettent à la CAF d’identifier des ménages en situation de précarité énergétique :
- les ménages eux-même (appel, mail) ;
- les partenaires associatifs, les travailleurs sociaux.
Ils disposent d’outils pour accompagner les dispositifs légaux (ateliers pour apprendre les bons gestes, des actions préventives, par des jeux « Mon logement et moi »…). Elle a, pour finir, proposer d’innover et de faire évoluer les pratiques en matière de détection de la précarité en ouvrant les questionnaires adressés aux allocataires.
» Beaucoup de personnes sont dans la privation, car ils ont peur de l’impayé. Il y a tout un travail de partenariat à consolider dans les années à venir et c’est un des enjeux « .
Pour terminer, Juliette Le Lay (Pimms Médiation Lyon Métropole) a présenté les actions de l’association Pimms Médiation qui accueille et accompagne les habitants dans leur démarche d’accès et droit au service public. Sa deuxième mission est également la professionnalisation de ses salariés pour devenir médiateur social.
Deux grands types d’actions sont en place :
- curatives en agissant en lien avec les correspondants solidarité des concessionnaires sur les dossiers d’impayés ;
- préventives avec la sensibilisation aux bons gestes, le porte-à-porte pour distribuer des kits énergies…
Le mot de la fin revient à Eric Perez qui conclut cette table ronde : « Au vu des différents témoignages entendus aujourd’hui, un panel d’accompagnements s’offre aux familles soumises à la précarité énergétique. Néanmoins un pilier semble encore fragile : c’est celui du repérage des ménages en difficulté. C’est pourquoi, Le SIGERLy, la Métropole de Lyon et la Ville de Lyon allons investir afin de massifier ce repérage qui permettra d’aider les acteurs qui arrivent ensuite dans la chaîne d’accompagnement notamment grâce au dispositif SLIME (Le Service Local d’Intervention pour la Maîtrise de l’Energie). C’est un programme éligible aux certificats d’économies d’énergies (CEE) qui permet de financer jusqu’à 70% des dépenses des collectivités pour la mise en œuvre du dispositif sur leur territoire. Cela permettrait de rajouter une brique supplémentaire pour le repérage des familles. Cette table ronde est une première étape pour prévenir les intervenants et intensifier la coordination.
L’électricité est un bien de première nécessité, il est indispensable de protéger les foyers précaires tout au long de l’année. A l’instar de ce qui existe pour l’eau, l’installation d’un service minimum d’électricité interdisant aux fournisseurs d’électricité de couper leurs clients en situation de précarité me semble essentiel, même hors période de trêve hivernale« .
Il a terminé en citant l’Abbé Pierre, en clin d’œil à la fondation à l’initiative de cette journée : « La misère ne se gère pas elle se combat« .
Plus d’informations sur l’observatoire de la protection de l’enfance et sur la journée de la précarité énergétique