Lumière et vivant : repenser l’éclairage public

Le séminaire Éclairer autrement, faire avec le vivant organisé par la Métropole de Lyon et le SIGERLy s’est tenu le 6 février 2025 et a réuni de nombreux·ses acteur·rice·s engagé·e·s sur la question de l’éclairage public et de son impact écologique. Un grand merci à Léa Chanrond, chargée d’études environnement à UrbaLyon pour l’animation de cette matinée !

Eric Perez, président du SIGERLy, a rappelé les avancées du syndicat : un parc d’éclairage modernisé avec un objectif 100 % LED, une baisse de 39 % de la consommation et 7,6 millions d’euros économisés. Au-delà des chiffres, l’enjeu est d’adapter les pratiques (extinction, détection, abaissement) pour limiter les nuisances lumineuses.

 

Anne Legile, directrice de la D3E à la Métropole de Lyon, a souligné les effets de cette pollution sur la biodiversité et la santé humaine. Grâce à un travail conjoint avec le SIGERLy, des orthophotographies nocturnes ont permis d’identifier la trame noire du territoire, première étape vers des actions concrètes.

 

L’événement a illustré une dynamique collective essentielle : repenser l’éclairage public en conciliant performance énergétique, préservation de la biodiversité et bien-être des habitant·e·s. Comme le résume si bien le philosophe Baptiste Morizot, cité lors du séminaire : « Le vivant n’est pas une petite chose fragile, mais un allié. »

 

L’impact de l’éclairage artificiel sur la biodiversité

Nélia Dupire, chargée de mission biodiversité à la Métropole de Lyon, a présenté les effets négatifs de l’éclairage artificiel sur la biodiversité, notamment sur les trames écologiques, telles que les trames vertes, bleues et noires. Ces réseaux sont essentiels pour le déplacement, l’alimentation et la reproduction des espèces. Cependant, l’urbanisation et l’éclairage artificiel fragmentent ces corridors, mettant en danger les espèces. La lumière artificielle perturbe particulièrement les migrateurs qui se repèrent grâce aux étoiles et aux phases lunaires. Elle affecte aussi les cycles biologiques, comme le sommeil, le métabolisme et la fertilité, en particulier avec les spectres lumineux bleus et blancs. Pour limiter ces impacts, il est recommandé de privilégier des spectres chauds (ambrés ou rouges), de mieux orienter la lumière et d’adapter l’éclairage en fonction des milieux pour préserver les corridors écologiques.

 

L’évolution des réglementations sur l’éclairage

Didier Prudhon, technicien exploitation éclairage public au SIGERLy, a abordé l’évolution des réglementations sur l’éclairage, en particulier la loi de 2018 qui encadre plus strictement l’usage de la lumière artificielle. Trois axes principaux ont été évoqués :

  • Prescriptions techniques : réduire l’éblouissement, limiter la pollution lumineuse et mieux orienter la lumière vers les zones utiles.
  • Adaptation temporelle : ajuster l’éclairage selon les horaires, la saison et les périodes sensibles pour la biodiversité, telles que la migration ou la reproduction.
  • Température de couleur : ne pas dépasser 3000 Kelvin, avec une préférence pour 2700 K ou 2200 K afin de mieux protéger la biodiversité.

L’objectif est de concilier performance énergétique, confort visuel et préservation de l’environnement dès la conception des éclairages.

 

Création d’une Trame Noire pour protéger la biodiversité nocturne

Nélia Dupire a également présenté un projet collaboratif entre le SIGERLy, la ville de Lyon et d’autres partenaires pour créer une trame noire. Ce projet vise à réduire l’impact de la pollution lumineuse sur la faune nocturne, notamment les chauves-souris. Les étapes clés du projet incluent :

  1. Diagnostic de la pollution lumineuse : utilisation d’orthophotos avant et après minuit pour analyser les zones éclairées et leur impact sur les habitats naturels.
  2. Identification des réseaux écologiques : cartographie des zones utilisées par les chauves-souris et repérage des zones sensibles à l’éclairage.
  3. Cartographie des zones de conflit : superposition des données lumineuses et écologiques pour identifier les zones à enjeux et les actions à mener.
  4. Outils web innovants : création d’une webapp interactive pour explorer les données et visualiser les zones sensibles.
  5. Sensibilisation à l’éclairage nuisible : identification des éclairages publics perturbateurs, basés sur les spectres lumineux, pour cibler les actions de réduction.

Ce projet vise à protéger la faune nocturne et à créer un environnement urbain plus respectueux de la biodiversité.

 


 

Champagne-au-Mont-d’Or : L’engagement local contre la pollution lumineuse

Rémi Gazan, adjoint à la transition écologique de Champagne-au-Mont-d’Or, a présenté les actions menées contre la pollution lumineuse. Grâce à l’extinction en cœur de nuit, la commune a réduit de 35 % sa consommation électrique, soit 12 tonnes de CO2 en moins. D’autres mesures ont été mises en place : suppression d’éclairages patrimoniaux, ampoules à 2200K pour préserver la biodiversité, coupes-flux pour limiter la dispersion lumineuse.

La municipalité agit aussi sur l’éclairage privé via des visites nocturnes et des actions de sensibilisation, avec des résultats positifs sans verbalisation. Elle encourage la rénovation des éclairages d’allées privées en échange de la prise en charge de leur consommation. Enfin, sa participation à la Nuit est Belle et sa candidature au label Ville et Village étoilé illustrent son engagement pour un éclairage plus durable.

 


 

Lyon : Un éclairage urbain plus sobre et citoyen

 

Thierry Marsick, directeur de l’éclairage urbain de la Ville de Lyon, a présenté le troisième Plan Lumière, adopté en mai 2023, structuré autour de trois valeurs : qualité, sobriété et citoyenneté. Il a souligné l’importance d’un paysage nocturne harmonieux, impliquant une régulation de l’éclairage privé, qui représente 50 % de la lumière émise vers le ciel à Lyon. La ville mise sur l’éclairage adaptatif, avec des expérimentations réussies, comme sur la rue de la République, où la consommation a été réduite de 80 %.

 

Des initiatives avec France Nature Environnement ont également permis d’identifier et d’agir sur les impacts lumineux des cours d’eau. Enfin, la concertation avec les habitants est essentielle, comme en témoigne un projet de budget participatif sur le Vieux-Lyon, où l’évaluation des ambiances lumineuses a permis d’adapter l’éclairage aux attentes locales.

 


 

Saint-Privat-de-Vallongue : Une commune pionnière dans la réduction de la pollution lumineuse

Pascal Marchelidon, maire de Saint-Privat-de-Vallongue (Lozère), a présenté en vidéo l’exemple de sa commune, reconnue pour son engagement en faveur de la biodiversité et de la réduction de la pollution lumineuse. Lauréate du concours Capitale de la biodiversité en 2018, elle a supprimé 80 % de son éclairage public, ne conservant que les points stratégiques (école, mairie, carrefours dangereux). Ce projet, soutenu par le Parc national des Cévennes et financé avec l’aide du syndicat d’électrification et du FEDER, a été accompagné d’un important travail de sensibilisation des habitants, avec réunions publiques, porte-à-porte et implication des enfants via un projet pédagogique.

©Etienne Jammes

La commune a aussi adapté son accueil touristique en supprimant l’éclairage du village de vacances et en proposant des lampes portatives aux visiteurs, tout en organisant des animations nocturnes (observation du ciel, sorties nature). Au-delà des économies d’énergie, cette démarche a permis aux habitants et aux vacanciers de redécouvrir la nuit et d’améliorer leur perception sensorielle, tout en renforçant l’attractivité et la reconnaissance de la commune.

 


 

CEREMA : Restaurer la trame noire fluviale

Samuel Busson, spécialiste des interactions entre biodiversité et éclairage au CEREMA, a présenté les travaux menés à Aix-en-Provence pour restaurer la trame noire fluviale, dans le cadre d’une démarche métropolitaine visant à identifier et réduire la pollution lumineuse affectant les écosystèmes nocturnes. Ce projet a pour objectif de protéger la biodiversité en restaurer la continuité écologique nocturne. L’approche repose sur une cartographie de la pollution lumineuse, croisée avec la trame verte et bleue, permettant de repérer les secteurs à restaurer ou à préserver. Une étude approfondie des milieux sensibles, en particulier les cours d’eau utilisés comme corridors écologiques, a été menée. L’analyse des sources lumineuses, qu’elles soient publiques ou privées, a permis d’identifier les principaux points d’impact. Des actions correctives ont ensuite été mises en place, incluant la modification des installations d’éclairage en partenariat avec la mairie et l’Agence de l’eau. L’objectif est d’évaluer l’efficacité de ces mesures par une combinaison de diagnostics physiques et d’observations écologiques.

 

Cette matinée a mis en lumière les enjeux cruciaux liés à l’éclairage public et à son impact sur la biodiversité. Les échanges ont permis de souligner l’importance de concilier performance énergétique, bien-être des habitant·e·s et préservation des écosystèmes nocturnes. Grâce aux initiatives innovantes, à l’engagement des communes et à la collaboration entre les différents acteur·rice·s, des solutions concrètes émergent pour réduire l’empreinte lumineuse tout en respectant les besoins écologiques du territoire. Un défi ambitieux, mais essentiel pour garantir un avenir où l’éclairage participe activement à la préservation de notre environnement.

 

Vous souhaitez visionner l’intégralité des échanges et présentations : ça se passe ici ! 

Partager sur Facebook