Horizon 2030 : vers un éclairage public « responsable »
Table ronde au salon Onlylight animée par Marie Chapelain (cluster lumière) avec Nicolas de Malherbe (Citeos), Eric Gaillard (SIGERLy), Philippe Gandon-Leger (Comatelec), Baptiste Faure (Biotope) et J-Philippe Choné (SIGERLy)
Quel éclairage public en 2030 ? Cette question a été soulevée à l’occasion d’une table ronde au salon Onlylight où représentants du SIGERLy, d’entreprises d’éclairage (installateur et industriel), du cluster lumière et un ingénieur écologue ont échangé leurs points de vue sur les défis de l’éclairage urbain de demain.
Allier écologie et sécurité : nouvelle priorité des villes
Allier écologie et sécurité sera assurément le nouveau défi de l’éclairage urbain de demain. A savoir, garantir la sécurité publique et routière tout en développant l’attractivité urbaine et poursuivre son engagement dans la transition énergétique…
Selon le Code général des collectivités territoriales (art. L.2212-2,1), l’éclairage public fait partie intégrante des pouvoirs de police du maire même si cette compétence est transférée. « Il n’y a pas d’obligation générale d’éclairer, le maire reste décisionnaire, néanmoins, l’éclairage est indissociablement lié à la sécurité des usagers », explique M. Choné, maire de Communay et Vice-président du SIGERLy. « Éclairer sera toujours une priorité pour nous, petites ou grandes agglomérations. Aujourd’hui, nous demandons à nos équipes et maîtres-d’œuvre, d’affiner de plus en plus les éclairages aux différents espaces de vie et usages, d’éclairer au plus juste en respectant la biodiversité, limitant la pollution lumineuse tout en faisant des économies d’énergie ».
En effet, la question écologique est désormais au cœur des problématiques des collectivités, qui doivent impérativement réduire leur facture énergétique et leur empreinte carbone.
Selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’éclairage public représente en moyenne 41 % de la consommation d’électricité des collectivités, 16 % de leurs consommations toutes énergies confondues et 37 % de leur facture d’électricité.
L’urgence est à la modernisation des installations
Les villes doivent donc trouver des solutions plus économes et plus durables. De plus en plus intègrent des considérations écologiques et prônent les “Smart cities”, mais la première étape doit être la rénovation de leurs systèmes d’éclairage public pour obtenir des résultats à la fois écologiques et économiques.
« Aujourd’hui, il y a 9 millions de points lumineux en France. 40% des installations d’éclairage ont plus de 25 ans, près de 80% des lampadaires devraient être rénovés ou remplacés et 15% seulement sont équipés de leds », explique Nicolas de Malherbe, Citeos Lyon. « Rénover ces installations vétustes et énergivores permettrait aux villes de réduire leur consommation d’électricité de 50 % à 75 % », un gain énergétique et financier considérable.
Le problème, souligne l’AFE, c’est que la rénovation du parc d’éclairages publics a un coût extrêmement élevé. Il faudrait débloquer 9 à 10 milliards d’euros pour rénover l’ensemble des installations.
Eric Gaillard, responsable du service éclairage public du SIGERLy précise que cette démarche sera extrêmement lente. « Un luminaire a une durée de vie en moyenne de 25 ans. A l’échelle du SIGERLy et de ses 67 500 points lumineux, moins de 5% sont renouvelés par an sur notre territoire ».
La Led, une solution peu énergivore
Selon Philippe Gandon-Leger de Comatelech, l’émergence de nouvelles technologies comme la Led a représenté une véritable révolution pour l’éclairage public.
À la fois plus performante et moins gourmande en énergie, la led peut produire différents types d’effets, d’intensités et créer des ambiances différentes.
L’utilisation de sources lumineuses peu énergivores comme les leds, associée à une politique d’éradication des ballons fluos conformément à la réglementation, a permis au SIGERLy d’économiser plus de 25% d’énergies sur son territoire en 10 ans. Depuis 2013, le syndicat applique une politique systématique d’installation Leds. En 6 ans, le SIGERLy est passé de 2 à 16% de son parc. « C’est 1% de plus que la moyenne nationale mais la route est encore longue si nous voulons rénover l’intégralité de nos lampadaires » explique Eric Gaillard.
Vers de nouvelles fonctions de l’éclairage public
La ville du futur se veut plus éco-responsable et mieux organisée. Grâce à l’installation de capteurs de présence et de luminosité, l’éclairage des luminaires peut s’adapter à son environnement, au passage des usagers et aux différentes situations… Par la télégestion (gestion à distance des informations au moyen d’un système téléinformatique), les villes supervisent à distance les points lumineux, pilotent l’allumage et l’intensité de l’éclairage selon le moment de la nuit (abaissement de puissance).
L’exploitation et la maintenance peuvent être gérées en temps réel…
Les nouvelles technologies permettent aussi aujourd’hui de connecter au réseau d’éclairage de nouveaux services. Les villes pourront piloter la mobilité urbaine dans le sens de la transition énergétique : bornes de recharge de véhicules électriques, informations des usagers via des applications mobiles (circulation, horaires des transports en commun, disponibilité des places de parking…). C’est la nouvelle ère de l’éclairage intelligent.
Vers la prédiction des problèmes d’éclairage
Selon Nicolas de Malherble de Citéos, le pari pour l’avenir est de prédire des pannes ou des problèmes d’éclairage. Par exemple, en exploitant des données récoltées par des boîtiers de commandes installés sur les lampadaires, il serait possible de détecter d’éventuels « profils types » de dysfonctionnements et anticiper les pannes. Ces informations pourraient ensuite être transmises via une application aux agents sur le terrain, afin de les aiguiller dans leurs décisions, comme par exemple le changement d’une ampoule.
Composer des paysages nocturnes plus justes
Selon Baptiste Faure, écologue au bureau d’études BIOTOPE, l’éclairage de demain devra s’intégrer dans le paysage nocturne : éclairer juste ce qu’il faut, quand il le faut. La prise en compte de l’écosystème dans les plans lumière devra se systématiser (définition de trame noire, éclairage en fonction des lieux et des usages…) .
« Les arrêtés ministériels poussent à réagir et à investir« , précise Baptiste Faure, « citons l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses ou l’application de l’arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l’extinction des éclairages nocturnes des bureaux, vitrines et enseignes. »
Enfin, les consciences ont évolué, les populations sont sensibles aux enjeux environnementaux et à la nécessité de lutter contre la pollution lumineuse pour protéger la biodiversité nocturne. L’expérimentation montre qu’éteindre partiellement la nuit est bien accepté par les riverains (80%), et n’est pas source d’augmentation des incivilités, de l’insécurité et des cambriolages (dont la plupart se déroulent de jour). La mise en place doit s’effectuer par étape, avec des phases expérimentales en concertation avec les élus, les usagers et les forces de l’ordre.
A noter, l’extinction nocturne des éclairages publics a été le sujet d’une matinale organisée par le SIGERLy. En savoir plus